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IA : les professionnels RH entre méfiance et espérances

Social - Fonction rh et grh
26/06/2024
Pendant deux jours, l’ANDRH, réunie en université d’été, a évangélisé ses troupes à l’IA. Experts, consultants, praticiens RH ont tenté de faire prendre conscience aux DRH des enjeux de l’intelligence artificielle générative.
Expliquer, rassurer, alerter et tracer des perspectives sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Telle était la feuille de route que s’était fixée l’ANDRH pour son université d’été 2024, les 20 et 21 juin dernier à Montpellier. Les 700 professionnels RH présents – un record d’affluence - sont probablement ressortis convaincus que les bouleversements induits par l’IA allaient massivement impacter les métiers en général et le leur en particulier. Vont-ils pour autant se saisir rapidement des opportunités offertes par l’IA générative ? Rien n’est moins sûr. Avec seulement 35 % de DRH déclarant avoir l’IA en projet dans leur entreprise, la route parait encore longue, mais les esprits sont désormais préparés à affronter cette transformation numérique d’ampleur.
 
« Peur du grand remplacement »
 
« Une de nos missions en tant qu’association, c’est de guider nos adhérents », rappelait Audrey Richard, la présidente de l’ANDRH et DRH de Canal +. Les professionnels RH ont donc bien compris, à l’issue de ces deux jours, que l’IA générative percutait d’ores et déjà plusieurs de leurs fonctions. A commencer par le recrutement avec notamment l’aide à la rédaction de la description des postes, la sélection des candidats, l’extraction des données des CV (CV parsing), le matching, l’analyse prédictive des candidatures…Le développement des compétences (chatbot collaborateurs), la formation, la rédaction de documents (contrats de travail, accords d’entreprise…) et la gestion de la paie ne sont pas non plus en reste.
 
Cette prise de conscience s’accompagne chez les RH d’un double sentiment : celui -positif - de pouvoir se sentir allégés de tâches rébarbatives et chronophages, préalable à des futures missions à plus forte valeur ajoutée et celui – plus funeste - du déclassement ou pire du grand remplacement. « Il y a fort à parier qu’avec l’IA les métiers relevant de l’administration du personnel disparaitront totalement », prédit Benoit Serre, le vice-président national de l’ANDRH. « Cette peur du grand remplacement est bien ancrée chez les RH en particulier chez les recruteurs », confirme Isabelle Gire, chargée de la prospective à l’Apec.
 
Revanche des cols bleus et GEPP
 
Si les fonctions RH vont être sensiblement impactées par l’IA, nombre de métiers le seront tout autant. Particularité : contrairement aux dernières révolutions technologiques (informatique, robotique, internet), ce sont les cols blancs et non les ouvriers qui paieront le plus lourd tribut. « Selon Goldman Sachs, ce sont 300 millions de postes de travail qui vont être menacés par l’IA », a rappelé Céline Lappas, talent development director. « C’est une opportunité formidable pour les RH, glisse Audrey Richard. Via les accords de GEPP négociés avec nos partenaires sociaux, les DRH vont prendre en mains cette transformation pour ne laisser personne au bord de la route ». « Le rôle des RH est de protéger les collaborateurs sans pour autant bloquer les projets. Les RH devront aussi réfléchir sur la réaffectation du temps récupéré grâce à l’IA », ajoute Benoit Serre. Pour Céline Lappas, l’IA représente aussi une chance pour les DRH eux-mêmes. « Ceux-ci en profiteront pour valoriser leur expertise, faire valoir leur point de vue, enrichir le lien avec les collaborateurs et les managers ».
 
Charte d’utilisation
 
L’autre grande leçon pour les responsables ressources humaines relève de l’éthique. Point d’IA sans garde fous ! Cela passe par une bonne connaissance des données utilisées afin de juguler les biais générés par les algorithmes. Sur l’utilisation des agents conversationnels, les entreprises les plus en avance ont rédigé des chartes ou créé des comités d’éthique. C’est le cas par exemple de France Travail qui a associé des chercheurs pour analyser l’exploitation des données accessibles via ChatGPT. « Nous avons ensuite élaboré une charte qui décline sept grands principes. La règle d’or c’est que l’humain doit rester au centre de toutes les décisions », témoigne Denis Cavillon, directeur général adjoint en charge des ressources humaines et des relations sociales de France Travail. Démarche quasi identique à l’Apec avec l’adoption d’une charte qui classe les cas d’usage en trois grandes catégories : ce qui est autorisé, ce qui est autorisé sous surveillance et ce qui est formellement interdit. « Par exemple, les données personnelles sont proscrites », évoque Isabelle Gire. L’association pour l’emploi des cadres a par la suite sensibilisé l’ensemble de ses collaborateurs au bon maniement de l’IA générative. Par crainte d’une faille en matière de cybersécurité, le groupe Canal+ a quant à lui opté pour un ChatGPT « maison » entièrement sécurisé. « Ces précautions concernent aussi nos prestataires RH. Nous devons rester vigilants », avertit Emmanuelle Germani, directrice des ressources humaines du groupe KP1 et vice-présidente de l’ANDRH.
Source : Actualités du droit